Enquête 2024 : l’engagement des représentants du personnel, la réalité d’un travail caché

Parce que la qualité du dialogue social passe aussi par la qualité du travail des instances représentatives du personnel (IRP), le Groupe Alpha a réalisé le deuxième volet de son enquête sur l’engagement de ces acteurs phares du dialogue social en 2024. La première édition datait de 2014. L’occasion de faire un point sur le sujet et son évolution en dix ans. Analyse des premiers résultats avec Amandine Michelon, chargée d’études, et Antoine Rémond, responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data (CED) du Groupe Alpha.

Représenter ses collègues en tant que membre du Comité social et économique est une fierté pour la plupart des représentants du personnel. L’édition 2024 de l’enquête menée par le Groupe Alpha et Secafi sur le sujet l’atteste. 94 % des 3 850 répondants se disent fiers de leur rôle. 90 % s’y sentent utiles. Pour la plupart, cet engagement donne du sens à leur travail, les aide à s’intégrer et à monter en compétences. Pourtant, un représentant du personnel sur deux envisage de cesser toute activité de représentation… « Nous avons essayé de comprendre cette ambivalence dans l’engagement dans un mandat », annonce Amandine Michelon, chargée d’études au CED du Groupe Alpha.

Un manque de moyens

Différents facteurs peuvent expliquer cette envie de jeter l’éponge. En premier lieu : le manque de ressources.

50 % des répondants considèrent ne pas avoir assez de temps pour exercer leur mandat.

Les RPS des IRP

La preuve : 64 % déclarent le faire sur leur temps personnel. 50 % des répondants estiment être en sous-effectifs et 32 % manquer de moyens matériels. Dans ce contexte, le sentiment d’isolement progresse. 53 % des répondants déclarent se sentir isolés dans leur mandat. Ils étaient 39 % dans ce cas en 2014. « Ce sentiment décroît au fur et à mesure que la taille de l’établissement augmente et est plus marqué dans certains secteurs, notamment dans les transports et la santé », ajoute Amandine Michelon, avant de, rapidement, mettre en avant la corrélation avec les ordonnances Travail de 2017, à la suite desquelles les comités sociaux et économiques (CSE) ont remplacé les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, réduisant le nombre de titulaires.

Une charge émotionnelle forte

A ce manque – de temps, d’effectifs et de moyens – s’ajoute une charge émotionnelle forte. 35 % des répondants ont vécu une réorganisation ayant un impact sur l’emploi. 38 % ont été exposés à des difficultés économiques au sein de leur entreprise. 48 % à un mouvement de personnel (grève ou manifestation interne). Un représentant du personnel sur deux interrogé a accompagné un collègue dans une procédure de licenciement.

71 % ont été confrontés à une situation de violence psychologique (harcèlement, tensions ou conflit).

Les RPS des IRP

Et 80 % ont été impliqués dans un projet important ayant nécessité l’information-consultation du CSE. « Des conflits de valeurs peuvent apparaître », analyse Amandine Michelon. Les représentants du personnel peuvent être amenés à faire des choses qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs morales (38 %). Bon nombre d’entre eux se disent contraints de cacher leurs émotions (79 %)…

D’autres résultats à venir

Dans ce contexte, près d’un représentant du personnel sur deux considère que son engagement nuit à sa carrière professionnelle… d’où la volonté de ne pas se représenter, pour près de la moitié des représentants. « La dynamique d’aujourd’hui n’est plus la même qu’il y a dix ans, constate Antoine Rémond, responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha. Nous sommes face à un phénomène de centralisation, les moyens sont réduits et les représentants du personnel ont moins d’expérience qu’auparavant. » Le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 sur l’évolution du dialogue social semble s’orienter vers une suppression de la limitation du nombre de mandats successifs pour les élus du CSE. Reste à savoir si cela permettra le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions en préservant l’expérience et les compétences acquises… A moins que d’autres leviers puissent améliorer les conditions d’exercice des IRP ? C’est ce que prévoit d’évaluer le Groupe Alpha tout au long de l’année 2025 à travers l’étude des résultats complémentaires de cette étude.